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Penser le confinement avec Nicole Fabre : la peur de manquer

Publié le 20 mai 2020

Nicole Fabre est psychanalyste, psychothérapeute d’enfants et enseignante. Son travail, développé dans une vingtaine d’ouvrages, se porte notamment sur la souffrance des enfants et sur l’analyse du « rêve éveillé ». Elle est cofondatrice du GIREP, Groupe International du Rêve Éveillé en Psychanalyse, et actuellement professeur au Centre de Sèvres.

Peur de manquer en temps de pandémie…

Nicole Fabre

Dans les jours qui ont précédé la mise en confinement, on a vu circuler de nombreuses personnes poussant des caddies débordants d’achats pour la maison, depuis les laitages et les farines jusqu’aux montagnes de papier toilette, qui ont beaucoup interrogé les observateurs.

Prudence, prévoyance, on peut justifier aisément ce comportement. Mais à constater la précipitation avec laquelle se font ces achats, on ne peut pas écarter l’idée qu’il y a un autre enjeu. Il s’agit plutôt de la nécessité impérieuse d’éviter de manquer de ce qui assure la vie du corps.

Derrière la parade raisonnable et raisonnée, la peur de perdre la vie, de mourir, que provoque la prise de conscience de la pandémie qui nous menace tous. Chaque période de trouble social ou de menace internationale s’assortit de ce type de comportement (le sucre et les bouteilles d’eau sont rapidement venus à manquer dans quelques cas au cours des cinquante dernières années).

Écoutons d’une oreille attentive ce qui se dit : évocation du temps de la guerre, des « restrictions », de la faim, même chez les civils. Récits vécus, et beaucoup plus souvent maintenant récits de récits des parents et des grands-parents.

Plus profondément, le psychanalyste repère aussi sous ces comportements la manifestation du désir de combler un vide (généralement non reconnu), d’un désir de sécurité qui souvent se confond avec le désir d’un amour enveloppant. La satisfaction joyeuse et confortable de celui qui range ses trésors alimentaires en rentrant chez lui signe cette interprétation. À partir de ce thème on pourrait développer une réflexion concernant chacun de ces points en mettant en lumière les réactions d’accumulation de biens, de boulimie de nourriture mais aussi d’objets… dans les temps d’angoisse sociétales et de perte de sens (vide du sens, vide d’amour).

Auteure de Peur de manquer aux Editions In Press (2016), et de J’aime pas me séparer, Editions In Press (2016).

Voir sa chaîne sur YouTube : avec Nicole Fabre Entretiens : conférence à Grimaud en 2016, Peur de manquer.